L’exonération des droits de mutation grâce au pacte Dutreil : opportunités et enjeux
Par
Me Fabrice Michel
16 oct. 2025
•
5 min de lecture
L’exonération des droits de mutation grâce au pacte Dutreil : opportunités et enjeux
Comprendre les mécanismes et bénéfices de la transmission d’entreprise facilitée en France
La transmission d’entreprise familiale demeure un défi majeur pour bon nombre d’entrepreneurs et de familles, tant sur le plan humain que fiscal. Au cœur de ces enjeux, le pacte Dutreil s’impose comme un outil stratégique permettant d’alléger considérablement le poids des droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission d’une société à ses héritiers ou même à un tiers. Loin d’être réservé aux grands groupes, ce dispositif concerne de nombreux entrepreneurs qui souhaitent assurer la pérennité de leur activité tout en préservant le patrimoine familial. Dans ce billet, je vous propose un tour d’horizon complet de l’exonération des droits de mutation dans le cadre du pacte Dutreil, depuis ses principes fondateurs jusqu’aux conditions pratiques de sa mise en œuvre.
Qu’est-ce que le pacte Dutreil ?
Le pacte Dutreil, instauré par la loi de finances pour 2004 vise à encourager la transmission d’entreprises, notamment familiales, en atténuant la charge fiscale qui pèse sur les héritiers ou donataires.
Concrètement, il s’agit d’un engagement collectif de conservation des titres d’une société, pris par les associés, auquel succède un engagement individuel de conservation pour les bénéficiaires de la transmission. Ce mécanisme conditionne l’accès à une exonération partielle des droits de mutation.
Quels avantages fiscaux ?
Le principal atout du pacte Dutreil réside dans son exonération à hauteur de 75 % de la valeur des titres transmis, que la transmission ait lieu par donation ou succession. Autrement dit, seuls 25 % de la valeur des titres sont soumis aux droits de mutation.
Prenons l’exemple d’une entreprise valorisée à 1 million d’euros transmise à la génération suivante. Grâce au pacte Dutreil, la base taxable tombe à 250 000 euros, ce qui représente une économie substantielle comparée à une transmission classique.
De plus, la loi prévoit certaines facilités :
• Abattement personnel sur la part recueillie, selon le lien de parenté avec le donateur ou le défunt ;
• Possibilité d’étaler le paiement des droits sur plusieurs années grâce au paiement fractionné ou différé ;
• Appréciation au cas par cas de situations de démembrement de propriété ;
• Application aux sociétés commerciales, civiles et holdings animatrices.
Conditions d’éligibilité au pacte Dutreil
Pour bénéficier de l’exonération, plusieurs conditions cumulatives sont requises :
1. Nature de l’activité
L’entreprise ou la société transmise doit exercer principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Les sociétés dont l’objet principal est la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier sont exclues du dispositif (location meublée exclue depuis le 17/10/2023).
2. Engagement collectif de conservation
Avant la transmission, un engagement collectif de conservation doit être souscrit pour une durée minimale de deux ans par les associés, portant sur au moins 34 % des droits financiers et des droits de vote pour les sociétés cotées.
3. Engagement individuel de conservation
À l’issue du décès ou de la donation, les bénéficiaires doivent s’engager individuellement à conserver les titres reçus pendant au moins quatre ans à compter de la fin de l’engagement collectif.
4. Direction effective de la société
L’un des bénéficiaires, ou l’un des signataires de l’engagement collectif, doit exercer une fonction de direction dans la société pendant toute la durée des engagements, soit au total six ans minimum.
Étapes de la mise en place d’un pacte Dutreil
• Analyse de la situation et conseil : identification des titres concernés, vérification de l’éligibilité de la société, étude de la structure d’actionnariat.
• Rédaction des engagements : formalisation de l’engagement collectif (statuts, acte séparé, etc.) puis des engagements individuels lors de la transmission.
• Déclaration à l’administration fiscale : dépôt de l’engagement auprès du service des impôts dans les délais requis.
• Respect des obligations postérieures : suivi de la conservation des titres, preuve de l’exercice de la fonction de direction, communication régulière avec l’administration.
Risques en cas de non-respect
Le non-respect d’une des conditions prévues par le pacte Dutreil entraîne la remise en cause de l’exonération. Les droits de mutation deviennent alors exigibles sur la totalité de la valeur des titres transmis, avec potentiellement des intérêts de retard et des pénalités. Il est donc essentiel d’être accompagné par des professionnels pour sécuriser la démarche et anticiper d’éventuelles difficultés (cession, changement d’activité, démembrement…).
Actualité et évolutions récentes
Le pacte Dutreil a fait l’objet de réformes successives, notamment par la loi de finances 2019, qui a assoupli certaines formalités et ouvert la voie à une application plus souple, notamment pour les holdings animatrices. Toutefois, la jurisprudence et les commentaires de l’administration fiscale continuent d’éclairer la pratique et de soulever de nouveaux enjeux, comme la preuve de la fonction de direction ou la composition précise des engagements collectifs.
Conclusion
Le pacte Dutreil s’impose comme un levier incontournable pour optimiser la transmission d’entreprise et assurer la pérennité des structures familiales. L’exonération partielle des droits de mutation offre un avantage compétitif majeur, à condition de bien maîtriser les règles et d’anticiper les éventuels pièges. Pour les familles entrepreneures, c’est une opportunité à saisir avec l’appui de conseillers spécialisés, afin d’assurer la continuité et le développement du patrimoine professionnel au fil des générations.

Me Fabrice Michel
Avocat Fiscaliste



